RÉFORME DE L’ASSURANCE-CHÔMAGE : VOUS AVEZ DIT JUSTICE SOCIALE ?

• Le gouvernement a présenté les contours de sa réforme de l’assurance-chômage. Elle sera mise en œuvre par décrets pendant l’été.• Alors que la taxation des contrats courts ne touche qu’un nombre limité de secteurs, les baisses de droits vont impacter l’ensemble des demandeurs d’emploi.
Fin du suspense. Ce 18 juin, à Matignon, le Premier ministre et la ministre du Travail ont levé le voile sur le contenu de la réforme de l’assurance-chômage. Les grands principes avaient déjà été distillés ces derniers jours par voie de presse puis lors du discours de politique générale d’Édouard Philippe. L’annonce n’en reste pas moins brutale : il s’agit d’une logique purement budgétaire et d’une profonde iniquité des mesures. « Où est la justice sociale quand 100 % des demandeurs d’emploi touchés, et notamment les plus précaires, sortent perdants de la réforme ? », a réagi la CFDT dans une réunion multilatérale préalable à la présentation officielle. La réforme arrive alors que les partenaires sociaux, conviés en février par Muriel Pénicaud à « une cinquantaine de réunions » de concertation, ont pu échanger sur le diagnostic sans pour autant le partager. Trois mois plus tard, « le point d’atterrissage présenté ressemble, en beaucoup plus dur, à ce qui avait été dessiné par la ministre à l’issue de la négociation ».

Une responsabilisation très partielle des employeurs
   
Le calendrier de mise en œuvre précisé
D’après les premiers éléments de calendrier, la réforme devrait s’appliquer en deux temps. En novembre 2019, entreraient en application la dégressivité des hautes rémunérations, le passage de quatre à six mois pour l’entrée en indemnisation, les mesures relatives aux démissionnaires et indépendants (issues de la loi Avenir professionnel). La modification du salaire journalier de référence, elle, ne devrait intervenir qu’en avril 2020. Côté employeurs, l’instauration du bonus-malus et la taxation forfaitaire ne s’appliqueront qu’à partir du 1er janvier 2020. Dans le document de cadrage transmis aux partenaires sociaux en amont de la dernière négociation d’assurance-chômage, le gouvernement attendait entre 1 et 1,3 milliard d’euros d’économies par an sur trois ans. Avec la réforme, elles devraient finalement atteindre 3,4 milliards d’euros sur la période 2019-2021, soit 1,7 milliard d’euros par an.
   
La négociation d’assurance-chômage avait échoué mi-février face au refus patronal d’une taxation des contrats courts. Le bonus-malus sera finalement mis en place, mais restreint à sept secteurs, soit à peine 30 % des ruptures donnant lieu à une inscription à Pôle emploi. L’événementiel et le secteur médico-social (qui comptent parmi les plus gros consommateurs de contrats courts) n’y figurent pas. « Si le gouvernement pense que le bonus-malus est un bon système, pourquoi ne pas l’appliquer à toutes les entreprises ? Pourquoi exempter les employeurs publics, qui abusent très largement de la précarité ? », s’interroge Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT. « En limitant le dispositif, le gouvernement s’expose à des effets de comportement qui pourraient rendre inopérante la mesure. » La réforme prévoit également une taxation forfaitaire de 10 euros appliquée aux CDD d’usage, forme ultraflexible de CDD qui représentait en 2015 près d’une embauche sur cinq (chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale). Pour la CFDT, le maintien de la cotisation patronale exceptionnelle mis en place en 2017 aurait sans doute permis une meilleure répartition des efforts, mais la mesure n’a pas été retenue. In fine, « la responsabilisation des employeurs qui abusent des contrats courts est posée de manière partielle quand, dans le même temps, on demande des efforts à l’ensemble des demandeurs d’emploi ».
Des conditions d’accès drastiquement réduites
Car c’est sur ces derniers que le gouvernement envisage de faire porter le gros de la réforme, et des mesures d’économies. Les conditions d’accès à l’indemnisation vont être durcies : désormais, il faudra avoir travaillé six mois au cours des vingt-quatre derniers mois (et non plus quatre sur vingt-huit), ce qui revient de retarder de plusieurs mois l’entrée en indemnisation. « L’entrée à quatre mois, obtenue par la seule CFDT en 2008, avait d’abord bénéficié aux plus jeunes, non éligibles au RSA, et aux plus précaires », rappelle Marylise Léon. Les droits rechargeables sont maintenus mais il faudra avoir travaillé six mois contre un actuellement pour voir son allocation maintenue. Avec ces choix budgétaires, le gouvernement renvoie à dix ans en arrière et pourrait priver au total 490 000 personnes d’une indemnisation chômage.
L’exécutif entend aussi modifier à la durée d’indemnisation, avec l’instauration d’une dégressivité des allocations les plus élevées, exception faite des seniors. Dans les faits, les demandeurs d’emploi de moins de 57 ans dont le revenu dépasse 4 500 euros bruts par mois verraient leur indemnisation baisser de 30 % à partir du septième mois de chômage. Au-delà du fait que la dégressivité (déjà expérimentée dans les années 90) n’a jamais prouvé son efficacité ni eu d’effet tangible sur une accélération de la reprise d’emploi, la logique du gouvernement laisserait à penser que le chômage est un choix.
L’accompagnement renforcé, mais à quelle fin ?
Pour ne pas réduire la réforme au seul volet de l’indemnisation, l’accompagnement des chômeurs devrait être renforcé grâce à des moyens humains supplémentaires accordés à Pôle emploi, la mise en place d’aides à la mobilité dans les territoires et un accompagnement plus soutenu dans les quatre semaines qui suivent l’inscription. Selon la CFDT, « les moyens massifs et humains restent indispensables pour mieux accompagner, de manière personnalisée, les demandeurs d’emploi et notamment les plus précaires et les jeunes en difficultés d’insertion ». Mais se pose la question de la finalité : que signifie accompagnement quand les personnes subissant une diminution drastique de leurs droits sont poussées à reprendre n’importe quel emploi ?

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