Assurance chômage : autopsie d’un échec

par Anne-Sophie Balle
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Après quatre mois de faux-semblants,  le refus solennel du patronat de majorer des cotisations sur les contrats courts a mis un terme à la négociation. L’Etat reprend la main. Le paritarisme, lui, ressort ébranlé.
Clap de fin pour la négociation assurance chômage. Réunis pour une dernière séance le 16 juin, les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à trouver un terrain d’entente sur les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Une issue quasi inédite (le dernier échec remonte à 1982) mais prévisible, « la négociation, entachée par le débat sur le projet de loi Travail et les jeux de postures des uns et des autres, n’ayant jamais réellement commencé » se désolait Véronique Descacq. Le Medef aura beau jeu de dénoncer « l’incapacité des partenaires syndicaux à dépasser des postures dogmatiques visant à punir les entreprises ». Pour la CFDT, le fait que « les organisations patronales ne soient même pas à la hauteur de leur responsabilités minimales, celles d’avoir un mandat pour négocier » constitue « un jeu dangereux pour l’équilibre financier du régime » et « inconséquent au regard de la capacité du dialogue social interprofessionnel à construire les solutions dont le pays a besoin ». Retour sur quatre mois de crispation du dialogue social.

Nouvelles règles et interventionnisme

Tout au long de la négociation, les interférences du gouvernement n'ont cessé de parasiter les échanges. Après avoir passablement irrité les syndicats en suggérant une dégressivité de l’allocation chômage – option déjà expérimentée entre 1992 et 2001, sans résultat probant sur le retour à l’emploi – la volonté d’inscrire dans la loi Travail une surtaxation des contrats courts avait provoqué l’ire du patronat. On connaît la suite : le Medef menace de quitter la table des négociations, jouant ainsi avec les nerfs des chômeurs et des négociateurs. Autre exemple de parasitage : les intermittents. La loi sur le dialogue social d’août 2015 avait sanctuarisé les annexes 8 et 10 du régime et instauré l’enchâssement des négociations sectorielles et interprofessionnelles. De nouvelles modalités de négociation qui ont largement occupé le devant de la scène pendant les premières séances. Au final, l’accord sectoriel trouvé le 28 avril – bien que ne respectant pas le cadrage imposé par l’interpro – a trouvé dans l’engagement financier du gouvernement une manière de s’appliquer. Avant même l’annonce officielle de l’échec des négociations, la ministre du travail annonçait la publication d’un décret applicable dès la mi-juillet, reprenant les mesures décidées par les professionnels du spectacle.

 Un dialogue de sourds

Sur le régime général, le Medef aura dès le début cherché à faire porter l’essentiel des économies du régime sur les demandeurs d’emploi : modulation de la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage, cautionnement du montant de l’allocation à la recherche effective d’emploi, baisse de la durée d’indemnisation des seniors… « des propositions choquantes et dépourvues de toute mention à un effort supplémentaire des employeurs » estimera la CFDT. Ne sous-estimant pas la nécessité de redéfinir les modalités de calcul de l’allocation journalière pour « lutter contre certaines inégalités de traitement entre demandeurs d’emploi qui cumulent allocation et salaire », la CFDT s’est voulue force de propositions. Durant les cinq séances qui ont porté sur le régime général, elle a présenté plusieurs pistes d’évolution chiffrées: taxation des ruptures des contrats de travail des salariés de plus de 50 ans pour favoriser le maintien dans l’emploi des seniors, modulation dégressive des cotisations chômage en fonction des contrats pour inciter les entreprises à en allonger la durée. Mais sur ce point, le patronat n’aura eu de cesse de fermer la porte à la discussion. Un dialogue de sourds dont le coup de grâce sera porté par le Medef le 13 juin, son comité exécutif refusant officiellement de donner mandat à son négociateur pour accepter une majoration des cotisations sur les contrats courts.

 Un paritarisme ébranlé

En actant l’échec de la négociation, les partenaires sociaux redonnent de fait la main à l’Etat. Dans un climat social déjà tendu, le gouvernement fait le choix du statu quo, assurant dans un communiqué qu’il « prendra des dispositions afin d’assurer sans délai la continuité de l’indemnisation chômage en prolongeant la convention actuellement en vigueur au-delà du 30 juin, date à laquelle elle devait prendre fin ». Et précise son souhait qu’à l’automne, « les partenaires sociaux puissent reprendre des négociations en vue d’aboutir à un accord », sans fixer d'échéance formelle à la convention ainsi prorogée. Pas question donc de fixer lui-même les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, comme cela avait le cas en 1982. Reste que la probabilité d’une reprise des discussions à la rentrée s’annonce faible, à l’approche d’une double échéance électorale (présidentielle de 2017 et la succession de Pierre Gattaz en 2018). Aussi, « que l’Etat reprenne la main sans mettre à bas le paritarisme en laissant le temps à celui-ci de se ressaisir pour reprendre la négociation apparaît comme la moins mauvaise des solutions » jugeait Véronique Descacq à l’issue du constat de désaccord. « Cela veut dire que les demandeurs d’emploi vont continuer à être indemnisés, que les droits rechargeables que la CFDT avait obtenu en 2014 vont continuer à s’appliquer ». Il n’empêche : cet échec porte indéniablement un coup dur au paritarisme. « Au moment où justement le dialogue social est présenté comme une des solutions pour sortir le pays de la crise, pour sortir les salariés de la précarité… on a en face de nous des acteurs patronaux incapables de comprendre ce qu’est le dialogue social, de nouer des compromis dans le sens de l’intérêt général »

aballe@cfdt.fr

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