La CFDT cartonne chez Monoprix

par Didier Blain
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À force de rencontres dans les magasins et d’accords efficaces sur les conditions de travail, la CFDT de Monoprix a gagné la préférence des salariés, reléguant 7 points derrière une CGT jusque-là majoritaire.
« Depuis 2012, nous avons labouré le terrain partout où c’était possible, explique Patricia Virfolet, la déléguée syndicale centrale (DSC) CFDT de Monoprix. Notre équipe de six personnes s’est déplacée en région à la rencontre des salariés. J’ai aussi demandé à ceux qui étaient hors de Paris de rendre visite aux salariés des magasins proches du leur. Et depuis le début de l’année, nous avons accéléré la cadence de nos visites. » Pendant ce temps-là, la CGT a fait campagne… contre le projet de loi Travail, loin des préoccupations des salariés de Monoprix. Résultat : 39,73 % des voix pour la CFDT aux dernières élections professionnelles de juin 2016, qui dépasse ainsi la CGT (32,94 % contre 51,49 % en 2012). Cette victoire historique de la CFDT trouve ses raisons dans ce travail de fourmi réalisé pendant quatre années.

     
Quatre ans de rencontres
Pendant quatre années, les militants de la CFDT, bien décidés à passer la barre des 30 % des voix, sont allés à la rencontre des salariés des magasins Monoprix. Ils ont échangé sur leur quotidien et sur ce qu’ils étaient en droit d’attendre d’une organisation syndicale, sa capacité à répondre à leurs questions, à résoudre les problèmes.
Un accord sur les conditions de travail
L’accord sur les conditions de travail signé par la CFDT a permis de mettre en place des chaises équipées de repose-pieds pour les caissières, un escabeau sécurisé duquel il est quasi impossible de tomber pour la mise en rayon et un chariot qui évite aux salariés de se baisser. Sur le chariot est apposé un logo qui rappelle que ce système est le fruit d’un accord d’amélioration des conditions de travail.
Au plus près des souhaits des salariés
La CGT s’étant opposée à un accord permettant aux magasins de rester ouverts jusqu’à 22 heures, la CFDT a négocié des accords locaux autorisant ce dépassement d’une heure dans une quarantaine de magasins où les salariés ont manifesté leur souhait de pouvoir continuer à travailler jusqu’à 22 heures. C’était le cas notamment de nombreux étudiants qui ne travaillent que trois heures par jour et ne pouvaient pas venir faire une heure de travail plus tôt en raison de leurs études.
     
« En 2012, nous étions passés de 22 % à un peu plus de 26 %. L’équipe s’était dit qu’avec un petit effort, nous pourrions dépasser les 30 %, ce qui nous donnerait le pouvoir de signer seul des accords. Nous nous sommes alors fixé l’objectif de dépasser les 30 % en 2016 », se souvient Patricia Virfolet. À l’époque, certains militants se demandent comment aborder les salariés. « C’est simple, leur répond la DSC, tu parles de leurs soucis, ils ont les mêmes que toi. » Important aussi : bien choisir le moment de la visite. « Ne pas se pointer un jour d’inventaire et plutôt après la pause de 10 heures », conseille-t-elle.

Le langage de vérité de la CFDT

« Souvent, les salariés nous demandent ce qu’on peut leur apporter, raconte Daoud Boubeker, délégué syndical du Monoprix Commerce à Paris. Nous leur disons qu’on peut apporter des réponses à leurs questions et résoudre des problèmes dans leurs magasins. Si on ne peut pas répondre tout de suite, on leur envoie un mail rapidement avec la réponse. » Idem avec le bulletin d’adhésion. « Si la salariée nous dit que c’est compliqué, on l’aide à le remplir, explique Patricia. Ensuite, les adhérents nous adressent parfois des questions par mail. Nous leur fournissons des réponses précises, même si celles-ci ne leur font par plaisir. On ne raconte pas d’histoires à la CFDT. »

Au total, en quatre ans, l’équipe CFDT aura créé une quarantaine de sections et, depuis le début de l’année, près de 250 salariés ont adhéré rien qu’en Île-de-France ! Et ce, malgré les menaces de la CGT, qui, dans certains magasins, suivait parfois à la trace l’équipe CFDT, sans parler de l’hostilité de certains directeurs de magasin. Dans celui des Champs-Élysées, le directeur a mené la vie dure à la déléguée syndicale, Jacqueline Baldé. « Il a monté une section syndicale pour lui faire barrage et fait ce qu’il pouvait pour l’empêcher d’obtenir un bon résultat, commente Daoud, qui a soutenu sa collègue. Peine perdue, Jacqueline est une battante. Elle a raflé 75 % des voix dans son magasin ! »

Fatoumata Bathily aussi est une battante. La déléguée CFDT du magasin Vincent-Auriol à Paris (un Casino devenu Monoprix il y a un an et demi) a dû faire face à une CGT implantée depuis longtemps et dont la stratégie se résumait à contester. Fatoumata est plutôt dans le dialogue et l’information : « Avec le changement d’enseigne, les salariés ont perdu sur leur temps de pause mais ont gagné des horaires fixes et ne subissent plus de modulation. » Et plutôt que de bougonner contre les toilettes qui fonctionnent mal, elle a demandé à la direction de faire les travaux en deux jours. Cette efficacité s’est révélée payante : la CFDT a fait une percée fracassante lors des élections en captant un tiers des voix !

Un bon accord sur les conditions de travail

Ces excellents résultats n’ont pas été obtenus grâce aux seules visites aux salariés. La CFDT a aussi à son actif un accord sur les conditions de travail, non signé par la CGT, qui n’a donc pas participé à sa mise en œuvre. Cet accord a permis de réels progrès contre la pénibilité de certaines tâches. Pour les caissières, à la demande de la CFDT et avec l’aide des experts de la caisse régionale d’assurance-maladie, l’entreprise a investi un million d’euros dans de nouvelles chaises réglables avec repose-pieds. Un escabeau sécurisé duquel il est presque impossible de tomber a également été mis à l’essai.
Pour les salariés en rayons, un chariot qui remonte les produits toujours à la même hauteur, évitant ainsi de se baisser, a été mis au point en plusieurs étapes. « Il y a eu d’abord un test en magasin. Les salariés ont fait des retours, transmis au constructeur, qui a modifié le chariot. Celui-ci a été remis à l’essai dans d’autres magasins, où il a pu être validé, détaille Patricia Virfolet. C’est un travail qui demande du temps et de l’investissement. Mais, aujourd’hui, ça fait plaisir de voir ces chariots utilisés correctement dans les magasins. De plus, j’ai obtenu qu’un logo y soit apposé, expliquant qu’il est le fruit de l’accord sur l’amélioration des conditions de travail. »

L’aide “involontaire” de la CGT

Avec ses positions radicales, la CGT a bien involontairement servi les desseins de l’équipe CFDT. Fin octobre 2013, elle fait valoir son droit d’opposition à l’accord sur le travail de nuit qui autorise alors les magasins Monoprix à ouvrir jusqu’à 22 heures. Sans demander leur avis aux salariés concernés. Conséquences immédiates : baisse du chiffre d’affaires des magasins concernés (les autres ferment à 21 heures) ; baisse de la participation (environ 100 euros) ; suppression de la prime opérationnelle de performance (environ 100 euros par trimestre pour des salariés un peu au-dessus du Smic) ; moins de titres déjeuner ; fort mécontentement des salariés. « Nous avons signé des accords locaux dans 40 magasins sur les 94 concernés, ce qui permettait de rouvrir jusqu’à 22 heures, explique la DSC. Là où les salariés refusaient, nous n’avons rien proposé mais nous avons essayé de trouver des solutions pour ceux, souvent des étudiants, qui ne travaillent que trois heures le soir et ne pouvaient pas venir travailler une heure plus tôt. »
Autre bourde de la CGT : en 2013, elle n’a pas signé l’accord sur l’intéressement, empêchant ainsi sa validation, malgré les mises en garde de la CFDT. Cette fois, la plaisanterie va coûter jusqu’à 1 800 euros sur deux ans à chacun des salariés. « Ils n’ont pas oublié au moment du vote. Évidemment, ça arrangeait la direction de ne pas avoir à payer d’intéressement pendant deux ans, regrette la DSC. Lors des NAO de 2015, nous avons demandé la réouverture d’une négociation sur l’intéressement. »

Consolider la position CFDT

Désormais première organisation syndicale, la CFDT va devoir faire face à une CGT qui digère mal sa chute vertigineuse et à une direction générale peu encline au dialogue social, qui doit enregistrer la nouvelle donne syndicale. « Notre objectif maintenant est de consolider notre position, de garder les adhérents, qui nous font confiance, de les former et de ne surtout pas les laisser dans la nature, indique Patricia Virfolet. De plus, des négociations se profilent dans les mois à venir sur le handicap, les conditions de travail et l’égalité professionnelle, les trois accords en vigueur arrivant à leur terme. Et puis nous comptons confirmer notre résultat lors des élections au comité central d’entreprise, qui auront lieu en octobre. » C’est tout le mal qu’on leur souhaite !
     
Repères
• Le groupe Monoprix appartient à 100 % au groupe Casino depuis 2013. Il compte 21 000 salariés dont 19 000 dans les 320 magasins Monoprix ; le reste se répartit dans les Monop’, Monop’daily, Monop’station, Monop’beauty, Monop’lab, Naturalia et Samada.
• Depuis juin 2016, la CFDT est la première organisation syndicale chez Monoprix avec 39,73 % des voix (contre 26,53 % auparavant), devant la CGT avec 32,94 % des voix (contre 51,49 % en 2012). FO est également représentative avec 11,33 % (contre 12,84 % en 2012). La CFDT compte 500 adhérents.
     
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