Aider les aidants

La CFDT-Retraités de la métropole lilloise est en pointe sur la question des aidants familiaux, ces proches chargés de prendre soin d’une personne, handicapée et/ou âgée, dépendante. Elle milite pour la mise en place de structures et de droits collectifs adaptés à des situations personnelles souvent très difficiles.
« Ce n’est pas le rôle d’une épouse de laver son mari. Moralement, c’est difficile d’en arriver là. » À 84 ans, Anne-Marie a obtenu récemment qu’une infirmière vienne chaque jour faire la toilette de son mari, atteint de la maladie d’Alzheimer depuis onze ans. Auparavant, c’est elle qui faisait ce travail. 

Aujourd’hui, André ne la reconnaît plus. Il se dit célibataire et sans enfant, alors qu’avec son épouse ils s’apprêtent à fêter leurs noces d’or et sont parents de quatre enfants. Pour autant, on sent encore chez Anne-Marie une grande tendresse, voire de l’admiration, pour celui avec qui elle vit depuis près de cinquante ans dans un petit village, près de Lille. « Toute sa vie, il a conduit sa ferme de façon exemplaire », affirme cette agricultrice, une lueur de fierté dans le regard. Ce mardi d’octobre, le couple a fait le déplacement à Lille pour bénéficier des services de la Maison des aidants*. Anne-Marie participe à l’atelier qi gong (gymnastique traditionnelle chinoise) tandis qu’André est pris en charge par une assistante en gérontologie. « Ici, c’est merveilleux, sourit-elle. On peut parler facilement, se plaindre et être écoutée. Cette année, nous avons aussi profité des vacances proposées par la Maison des aidants, cinq jours dans la baie de Somme. » Anne-Marie s’y est aussi fait de nouveaux amis. Créé en 2012, ce lieu accueille plus de 400 aidants sur l’année. Animée par huit personnes (directrice, psychologues, assistantes en soins de gérontologie), la Maison propose des activités destinées aux aidants mais aussi des temps de répit. « L’aidant peut s’absenter de quatre à dix heures pour 4 euros l’heure en journée et en semaine ou 6 euros l’heure la nuit ou le week-end », explique Léa Forster, l’une des deux psychologues.

Un très précieux soutien

JacquesBouche DRigondeaud« C’est exactement ce dont j’avais besoin », souffle Jacques Bouché, un militant de la CFDT-Retraités, en parlant de la Maison des aidants. Sa femme est en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) depuis 2011. Elle est atteinte d’Alzheimer depuis l’âge de 59 ans. Pendant des années, il s’est occupé d’elle, seul ou avec ses enfants, jusqu’au moment où « ça n’a plus été possible ». Elle ne le reconnaît plus, vit alitée et ne s’exprime plus avec des mots. Les mots, c’est ce qui reste à Jacques. « Je lui parle, je lui raconte mes journées. Je lui fais faire des soins de maquillage. Elle reste mon épouse même si j’ai fait un “deuil blanc”, comme l’appellent les médecins. » Il lâche : « C’est une grande souffrance morale d’être tiraillé entre la culpabilité de ne pas l’avoir gardée à la maison et le droit de continuer à vivre presque normalement. » Ses enfants l’ont toujours soutenu.
Depuis, Jacques a adhéré à la Maison des aidants. Il y trouve du réconfort et participe activement à certaines activités. Jacques est aussi un militant CFDT de l’Union territoriale des retraités (UTR) de Lille Métropole et, à ce titre, engagé dans le combat pour la reconnaissance des droits des aidants. Avec Christian Barazutti, militant retraité, et Michèle Ganne, la secrétaire générale de l’UTR, ils sont le fer de lance cédétiste de cette question sur le territoire de la métropole lilloise. « Nous intervenons à plusieurs niveaux, explique Michèle Ganne. Auprès de nos adhérents d’abord. C’est souvent une démarche difficile de se reconnaître aidant. Ils nous disent parfois : “Mais moi, je suis le mari [ou la fille], c’est normal que j’aide.” On les informe de leurs droits et notamment du droit au répit. À ce jour, la CFDT est la seule organisation syndicale à s’intéresser aux droits des usagers des services à domicile ou en Ehpad. »

Former les élus, passer à la vitesse supérieure

Barazutti DRigondeaud« Nous intervenons à deux autres niveaux, poursuit Christian Barazutti, lui-même papa de deux enfants aujourd’hui adultes en situation de handicap. Dans la commission intercommunale pour l’accessibilité (CIA) où je siège, d’une part, et dans les conseils de vie sociale (CVS) des Ehpad et des foyers occupationnels, d’autre part. » Les compétences de la CIA couvrent 90 communes, soit un million d’habitants. « On y traite aussi bien des questions d’accès à la culture que des transports ou du sport, souligne Christian Barazutti. La CIA de Lille a ainsi obtenu que les futurs bus soient équipés de deux accès aux fauteuils roulants au lieu d’un seul et que 29 piscines municipales deviennent accessibles aux handicapés mentaux. Nous investissons aussi les CVS, qui sont une sorte de comité d’entreprise où siègent la direction de l’établissement, les salariés et les usagers représentant les malades et les aidants, précise Christian. On peut partager les bonnes pratiques à mettre en place mais aussi échanger sur la stratégie des établissements, les tarifs, le choix et la qualité des prestations. Mais nos intervenants, élus dans les CVS, ont besoin d’être formés. Avec l’Union confédérale des retraités, nous avons reçu une formation en mars dernier qui a intéressé des associations du secteur. Il s’agit pour nous aujourd’hui de passer à la vitesse supérieure en créant une inter-CVS régionale. »

* Il existe près de 150 plateformes d’accompagnement et de répit pour les aidants en France. Plus d'info annuaire.agevillage.com
© Photos Damien Rigondeaud

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