"Pas question de bâcler la réforme des retraites"


Les Echos publient sous ce titre un entretien avec François Chérèque dans leur édition du 8 janvier 2010.

Comment jugez-vous le climat social ?

Les fermetures de sites font moins la une mais continuent. Le discours politique sur la reprise, trop optimiste, alimente les attentes sur le pouvoir d'achat chez des salariés qui ont consenti beaucoup de sacrifices en 2009. Les négociations salariales seront d'autant plus tendues que, avec la hausse a minima du SMIC au 1er janvier, le gouvernement a incité les entreprises à la modération. Beaucoup dépendra du niveau réel de la reprise. Plus elle sera forte, plus les revendications le seront.

Et du côté des fonctionnaires ?

J'observe dans la fonction pu blique, en particulier de l'Etat, les mêmes symptômes de souffrance que chez Pôle emploi ou France Télécom, avec la même origine : la gestion calamiteuse des mutations. La réforme de l'Etat est menée n'importe comment. Cela me rappelle la mise en oeuvre des 35 heures à l'hôpital : une approche court-termiste au seul service d'un message politique, sans tenir compte de la réalité du travail des agents. Le dialogue social est réduit à un niveau misérable. Il faut s'attendre à d'importants mouvements sociaux et à des réactions individuelles fortes.

Quel regard portez-vous sur le conflit dans le RER A ?

Je suis critique envers les actions qui pénalisent les usagers. Mais je suis encore plus critique envers la direction de la RATP, qui a refusé tout dialogue. Je m'interroge enfin sur l'attitude du gouvernement. Une semaine avant, il s'était posé en médiateur sur le conflit des routiers et, là, il a refusé de jouer ce rôle dans une entreprise publique ! A l'approche des élections régionales, il ne devait pas être pressé d'apaiser la situation dans une région dirigée par la gauche...

Le secrétaire d'Etat à l'Emploi estime complète la boîte à outils face au chômage. Et vous ?

Il faut la rendre plus performante en améliorant le fonctionnement du Fonds d'investissement social (Fiso). Etat, partenaires sociaux, pour l'instant, chacun est crispé sur sa cassette. Par ailleurs, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a aussi comme objectif de former les salariés et les chômeurs peu ou pas qualifiés. Il va falloir rapprocher ces deux fonds. Il faut aussi développer le chômage partiel, notamment dans les PME. Enfin, renforçons encore les moyens du service public de l'emploi. C'est une catastrophe ! Pôle emploi a besoin de plus d'emplois stables, il faut titulariser les CDD. On nous annonce encore 120.000 chômeurs de plus cette année. Le redémarrage de la Bourse n'est pas le signe d'une reprise. Nous serons sortis de la crise quand le chômage sera revenu à son niveau de mi-2008.

Que préconisez-vous pour les chômeurs en fin de droits ?

La question s'inscrit dans celle, plus globale, du pouvoir d'achat. Seules les mesures prises sous la pression de la mobilisation intersyndicale ont permis de le maintenir en 2009. Il faut les pour suivre. Il faut aussi que les salariés fassent monter la pression dans les entreprises. Concernant les fins de droits, renvoyer le problème à l'Unedic comme le fait Laurent Wauquiez, c'est demander aux seuls salariés du privé de financer la solidarité nationale. Ce n'est pas acceptable. L'Etat doit assouplir l'accès à l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et augmenter son montant.

Présenterez-vous un candidat à la présidence de l'Unedic ?

La CFDT va présenter Gaby Bonnand, qui siège déjà au conseil d'administration. Il est naturel pour la seule organisation syndicale ayant signé l'accord sur l'assurance-chômage de décembre 2008 d'assumer sa responsabilité. A la CFDT, nous ne sommes pas schizophrènes et nous n'avons jamais revendiqué la présidence d'un organisme quand nous n'avions pas signé l'accord le régissant.

Comment la CFDT aborde-t-elle la réforme des retraites ?

Il faut être lucide : le système créé en 1945 n'est plus adapté. Un rafistolage n'est plus possible. Il faut une réforme d'ampleur du système par répartition pour faire face au vieillissement de la population, à des carrières plus erra tiques et à l'enjeu de la pénibilité du travail. Les retraites doivent mieux coller aux parcours de vie des assurés, avec plus de choix personnels et de lisibilité car le système actuel est trop complexe.

Ce que vous décrivez ressemble au système de retraites par points, l'une des pistes envisagées. La CFDT y est favorable ?

Je ne veux pas choisir aujourd'hui. Ce que je viens de décrire, c'est la problématique sur laquelle nous allons travailler à notre congrès.

Plusieurs syndicats soulignent que le système par points n'assurera pas l'équilibre financier des retraites…

C'est vrai, il n'y a pas de solution miracle. C'est pour cela qu'il faudra mettre tous les paramètres sur la table. Et c'est pourquoi je m'inquiète du calendrier qui sera retenu. Pour nous, il n'est pas question de laisser le gouvernement boucler une réforme de cette ampleur en quelques mois, à partir d'avril, pour des raisons purement électorales. Il ne faut pas la bâcler. Les déficits sont importants mais on n'est pas à six mois près. Le calendrier inscrit dans la loi Fillon prévoyait un vrai rendez-vous sur les retraites en 2012. C'était le bon rythme.

Nicolas Sarkozy a annoncé que l'âge légal de départ, aujourd'hui fixé à 60 ans, pourrait être reporté. Qu'en pense la CFDT ?

Si le chef de l'Etat précipite la réforme, c'est évident qu'il privilégiera le report de l'âge légal, qui permet de réaliser des économies à court terme. Si on remet en question les 60 ans, on sanctionne ceux qui ont commencé à travailler tôt, donc les ouvriers. A la CFDT, nous privilégions la durée de cotisation pour réformer sur le long terme.

Le leader de la CFTC, Jacques Voisin, a accusé la CFDT de se « compromettre » avec le patronat et le gouvernement. Que lui répondez-vous ?

L'insulte n'est pas notre mode de communication. Il dépasse les bornes. Sur le terrain, beaucoup de militants CFTC ne partagent pas son point de vue et rejoignent nos équipes, comme à la SNCF ou chez AXA. Jacques Voisin a tort de jouer le repli sur soi. Plus les syndicats collaboreront sereinement, plus ils seront forts. C'est pourquoi il faut continuer de faire vivre l'intersyndicale malgré les tensions liées à la réforme de la représentativité. Contrairement à Jacques Voisin, Alain Olive (Unsa), lui, l'a bien compris.

Comment qualifier vos relations actuelles avec la CGT ?

Je suis pragmatique. Les deux premières centrales ont une responsabilité à assumer, qui passe par un dialogue serein. C'est sûr, nous avons et nous aurons des désaccords. L'essentiel est de les assumer et de s'assurer qu'ils ne débouchent plus sur des déchirements et des drames.

Jean-Charles Simon, directeur général délégué du Medef, a démissionné. Craignez-vous que les tensions au sein du patronat paralysent le dialogue social ?

Le patronat a déjà envoyé un très mauvais signal en refusant de négocier sur le dialogue social dans les TPE. Le Medef et la CGPME renient les engagements pris dans la réforme de la représentativité. C'est un symptôme grave. On parle beaucoup de la faiblesse des syndicats, mais je constate désormais surtout celle du patronat.

Propos recueillis par Vincent Collen, Leïla de Comarmond, et Derek Perrotte

© CFDT (mis en ligne le 10 janvier 2010)

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