Avant-projet de loi El Khomri : ces mesures qui ne passent pas
Un texte déséquilibré
En
cause, les concessions aux revendications du Medef. Parmi celles-ci,
deux articles sont particulièrement inacceptables pour la CFDT.
L’article 30 prévoit ainsi le plafonnement des indemnités prud’hommes en
cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Comme le Conseil constitutionnel avait retoqué de la loi Macron
le barème différencié selon la taille de l’entreprise, le gouvernement a
opté pour un plafonnement uniquement fonction de l’ancienneté du
salarié. Les plafonds vont de 3 mois pour un salarié ayant moins de 2
ans d’ancienneté à 15 mois pour plus de 20 ans d’ancienneté. Quels que
soient la taille de l’entreprise, la situation du salarié et surtout la
nature du préjudice subi !
L’article
30 bis élargit quant à lui la définition du licenciement économique,
possible en cas de mutations technologiques, mais aussi de
réorganisation « nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité » ou de
« difficultés économiques » (baisse des commandes ou du chiffre
d’affaires, pertes d’exploitation, importante dégradation de la
trésorerie, ou « tout élément de nature à justifier de ces
difficultés »). À la négociation de déterminer le nombre de trimestres
consécutifs de baisse justifiant un licenciement économique. Faute
d’accord, quatre trimestres de diminution des commandes ou un semestre
de perte d’exploitation suffiront. Un niveau que Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, juge « bien trop bas pour inciter à la négociation ; c’est inacceptable ».Qui
plus est, ces éléments seront appréciés au niveau de l’entreprise ou du
territoire national. Une évolution que la CFDT juge dangereuse,
craignant une fragilisation des salariés : « Un groupe pourrait alors
très bien s’organiser pour que sa filiale française ait de moins bons
résultats pendant un moment – même si le reste du groupe fonctionne bien
en Europe – et organiser un plan social dans la filière française »,
met en garde Véronique Descacq.
Ces mesures
ont mis le feu aux poudres, combinées à une réécriture de la législation
sur le temps de travail qui ne respecte pas le cahier des charges
initial. Si beaucoup de contre-vérités ont été répandues sur cette
partie du texte – comme la disparition du socle minimal de 24 heures
pour les temps partiels ou des congés spéciaux, ce qui est faux –,
plusieurs dispositions vont à l’encontre de la santé des salariés et de
l’esprit même de la réforme : le texte prévoit ainsi le renvoi à la
décision unilatérale de l’employeur, à défaut d’accord, sur de
nombreuses modalités d’organisation du temps de travail et laisse
entièrement à la main de l’employeur la question du forfait-jours dans
les entreprises de moins de 50 salariés.Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
La CFDT entend donc peser fortement auprès des parlementaires et de l’opinion publique pour « faire rectifier ce texte », selon l’expression de Laurent Berger. Car il n’est pour elle pas question de jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est-à-dire le renforcement de la négociation collective, à laquelle la CFDT tient – c’est pourquoi elle s’est déclarée favorable à des accords rendus majoritaires par consultation des salariés, à l’initiative d’organisations syndicales recueillant 30% des voix. Mais le maquis des 53 articles du texte recèle aussi nombre de dispositions positives : augmentation du nombre d’heures de délégation syndicale, possibilité d’utiliser le budget de fonctionnement du comité d’entreprise pour former les délégués syndicaux et du personnel, accès à l’intranet de l’entreprise pour la communication syndicale, sécurisation de la mise à disposition de locaux syndicaux, renforcement de la lutte contre le détachement illégal de travailleurs… Sans compter la mise en place du compte personnel d’activité, levier majeur de la sécurisation des parcours professionnels que la CFDT compte bien enrichir. En clair : le projet de loi doit sécuriser davantage les travailleurs sans céder aux « idées de libéralisation les plus farfelues du patronat » dénoncées par Laurent Berger.
Commentaires
Enregistrer un commentaire