Assurance-chômage : Les enjeux d’une négociation sous haute pression

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par Anne-Sophie Balle
 
La montée inexorable du chômage et les pistes d’économies budgétaires distillées par le gouvernement tendent le climat dans lequel s’ouvrira la négociation de la nouvelle convention d’assurance-chômage, le 22 février.


Le 22 février, les partenaires sociaux se retrouveront au siège du Medef afin de revoir les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Un rendez-vous cyclique, l’actuelle convention (signée pour deux ans) étant en vigueur depuis le 1er juillet 2014. À l’époque, l’accord trouvé par les partenaires sociaux (signé par la CFDT, la CFTC et FO) avait notamment permis la mise en œuvre des droits rechargeables issus de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi. Un véritable coup de pouce aux demandeurs d’emploi, en particulier les plus précaires, que personne (ni côté syndical ni côté patronal) ne semble aujourd’hui vouloir remettre en cause.
Le déficit conjoncturel des comptes de l’Unédic
     

L’entrelacement de deux négociations
En sanctuarisant les annexes 8 et 10 (relatives aux intermittents), la loi Rebsamen a ouvert la possibilité aux organisations professionnelles représentatives des secteurs correspondants de discuter directement de leurs règles spécifiques, parallèlement à la négociation du régime général de l’assurance-chômage. La trajectoire financière et les principes généraux applicables à l’ensemble du régime devront cependant être respectés par les négociateurs du secteur professionnel, qui pourront s’appuyer sur un comité d’expertise. La négociation interprofessionnelle devrait donc vraisemblablement commencer par des discussions précisant les éléments de cadrage de la négociation spécifique aux intermittents et l’articulation entre les deux négociations.
     
Mais deux ans après cette convention novatrice – entérinant le choix des partenaires sociaux de « protéger les salariés et les demandeurs d’emploi pendant la crise » –, l’embellie tant escomptée sur le front de l’emploi se fait toujours attendre. La faible reprise économique reste insuffisante pour inverser la courbe du chômage et redresser les comptes de l’Unédic – dont le déficit reste intimement lié à l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi. Ce qui vaut aux partenaires sociaux gestionnaires de l’Unédic une flopée de « recommandations » politiques à l’approche de l’ouverture de la négociation. Le 18 janvier, le chef de l’État déclarait que « la France a la durée d’indemnisation la plus longue d’Europe [en fait, elle est de trente-huit mois au maximum aux Pays-Bas contre vingt-quatre en France pour les moins de 50 ans] et la durée de formation la plus courte » et que c’est « cela qu’il [fallait] changer ». Depuis a été jouée la petite musique de la « nécessité d’inciter davantage les chômeurs à reprendre un emploi », en appliquant, par exemple, la dégressivité des allocations. Une option déjà expérimentée entre 1992 et 2001 qui n’a pas démontré son efficacité en matière de retour à l’emploi. « La moitié des demandeurs d’emploi indemnisés travaille déjà tous les mois, à temps partiel ou en contrat très court, rappelle d’ailleurs Véronique Descacq ; la dégressivité non seulement ne créera pas d’emploi mais précipitera davantage de chômeurs dans la pauvreté. »
Loin du débat sur la durée d’indemnisation maximale à laquelle peuvent prétendre les demandeurs d’emploi, la durée moyenne d’utilisation effective de l’assurance chômage (onze mois) et la place croissante prise par les activités réduites depuis une quinzaine d’années amènent la CFDT à réinterroger la responsabilité des entreprises qui recourent abusivement aux emplois précaires. La surcotisation appliquée aux contrats courts, issue de l’Ani de janvier 2013, avait eu un impact limité, insuffisant en tout cas pour inciter les entreprises à allonger la durée des contrats de travail. Aussi, l’idée d’une cotisation chômage dégressive des employeurs selon la durée de l’emploi, pour tous les contrats de travail (CDI, CDD, CDD d’usage, intérim) refait-elle surface à l’aube de la négociation. « Une telle mesure pourrait limiter les risques d’enfermement dans la précarité des chômeurs de longue durée, des jeunes et des seniors », estime Véronique Descacq.
Lors de cette négociation, la CFDT entend surtout consolider les droits acquis en 2014, « dont les premières évaluations démontrent la pertinence ». Neuf mois après leur mise en application, les droits rechargeables avaient déjà bénéficié à 344 220 allocataires, estime l’Unédic, entraînant de fait une diminution de 16 % du nombre de chômeurs arrivant en fin de droits. Autre mesure : le changement de mode de calcul du différé d’indemnisation (désormais proportionnel au montant des indemnités supralégales, hors licenciés économiques adhérant au contrat de sécurisation professionnelle) a significativement raccourci le délai d’attente pour 70 % des demandeurs d’emploi indemnisés.
Sécurisation des chômeurs et incitation à la reprise d’emploi
Loin de sous-estimer le poids de la dette financière du régime (25,7 milliards d’euros à la fin 2015), la CFDT refuse cependant d’en faire l’alpha et l’oméga de la négociation qui s’ouvre. Face à un niveau de chômage jamais égalé, le déficit de l’Unédic joue un rôle contracyclique de l’économie. « Les indemnités chômage sont l’amortisseur social dont le pays a besoin en temps de crise, rappelle la secrétaire générale adjointe. Si des efforts devaient être consentis, ils devront être équitablement répartis et poursuivre les orientations de la convention de 2014, à savoir la sécurisation des chômeurs dans la durée et l’incitation à la reprise d’emploi pour prévenir le chômage de longue durée. » La dégressivité n’en fait définitivement pas partie.

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