Le travail du dimanche creuse la brèche des inégalités


Un an après le vote de la loi Maillé, le travail dominical s’implante lentement dans le paysage. Devant la satisfaction du gouvernement d’avoir facilité l’extension des ouvertures, la CFDT continue de dénoncer des disparités de traitement et des salariés coincés.

Le premier anniversaire de la loi Maillé n’a pas fait grand bruit. Tout au plus, le gouvernement est-il venu rappeler que « ce n’est pas la généralisation du travail du dimanche que craignaient certains ». Certes, en termes de chiffres, le travail dominical s’implante plus lentement que prévu : en un an, le ministère du Travail a recensé la création de 19 Puce (Périmètres à usage de consommation exceptionnelle), concentrés sur les agglomérations parisienne, lilloise et marseillaise. La France compte également 607 zones ou communes d’intérêt touristique.

Inégalité de traitement entre les salariés

L'évolution majeure réside davantage dans la situation des salariés. Si la distinction des appellations administratives peut sembler vide de sens pour le consommateur, qui trouvera dans le Puce comme dans la zone touristique le même « avantage » de pouvoir consommer le dimanche, l’inégalité de traitement est quant à elle bien réelle pour ceux qui y travaillent. Les salariés situés en zone touristique ne bénéficient d’aucune autre compensation que l’octroi d’un jour de récupération dans la semaine. Dans le cas d’un Puce en revanche, la loi prévoit qu’en l’absence d’accord de branche, les salariés travaillent sur la base du volontariat avec une rémunération double. Ce qui pousse les syndicats à dénoncer les inégalités entre salariés des zones touristiques et ceux des Puce, d’autant plus lorsqu’ils travaillent pour la même enseigne.

Le dernier exemple en date tient dans le refus signifié au maire de Paris par la Préfecture de classer des zones touristiques de la capitale – les seules en principe où les commerces ouvrent le dimanche –, en Puce, plus avantageux pour les salariés. « Reste donc à Paris sept zones touristiques où l’ouverture dominicale de tous types de commerces est de plein droit, et où les salariés ne peuvent pas prétendre obligatoirement à un doublement de la rémunération. Pendant ce temps, le gouvernement vient de proposer une carte étendue des zones touristiques pour la capitale », regrette le syndicat CFDT du commerce parisien.

Simulacre de négociations

Globalement, les craintes émises par les syndicats à l’époque du vote de la loi sont donc bel et bien confirmées, y compris lors des négociations. « Dès la promulgation de la loi, beaucoup d’entreprises ont entamé des négociations pour ouvrir le dimanche. Mais hormis quelques enseignes qui ont pris véritablement en compte les questions d’emploi, de salaire, et de limitation des ouvertures, on assistait le plus souvent à un simulacre de négociation », explique Aline Levron, secrétaire nationale à la fédération CFDT des Services. « Dans de nombreux textes qui nous ont été présentés pour signature, rien n’était prévu sur le volontariat, qui devrait pourtant être la base des négociations. Dans d’autres cas, l’accord s’appliquait uniquement aux salariés en poste avant celui-ci. Mais on sait bien qu’un nouveau salarié à qui on demande de travailler le dimanche ne peut souvent pas refuser, et on image bien les dérives en termes de rémunération ou de repos. Les salariés concernés par l’ouverture dominicale se sentent coincés par cette histoire de volontariat ».

Poursuite des ouvertures illégales

En décidant d’autoriser plus largement le travail le dimanche et de régulariser certaines situations, la loi n’a par ailleurs pas empêché l’ouverture illégale de certains commerces. Les petites surfaces sont dans le collimateur de la fédération CFDT des Services, qui observe de plus en plus de grappillage sur les horaires d’ouverture, « quand certaines sont sensées fermer à midi et finissent par être ouvertes toute la journée ». Le SCID (syndicat du commerce interdépartemental d’Île-de-France) a d’ores et déjà alerté la préfecture sur l’ouverture illégale de supérettes, et 67 procès verbaux ont été dressés sur la seule capitale. « Mais entre le procès verbal et la fermeture, on sait qu’il peut se passer plusieurs années. En attendant, les victimes sont les salariés précaires, à qui ont demande de travailler le dimanche tout en refusant de modifier leur contrat d’un temps partiel à un temps complet », ironise Aline Levron.

Anne Sophie Balle

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