Élections dans la Fonction publique : "Il n’y a pas que les questions de pouvoir d’achat"

Uffa-CFDT
 
AEF dépêche n° 490615 - 24 novembre 2014 - Interview de Brigitte Jumel, Secrétaire générale de l'Uffa-CFDT par Clarisse Jay
Le 4 décembre 2014, les agents des trois versants de la Fonction publique vont élire leurs représentants syndicaux aux 22 000 instances de concertation de la Fonction publique que sont les comités techniques, les commissions administratives paritaires, les commissions consultatives paritaires, les comités techniques d’établissement. Après avoir fait le point sur ce scrutin (lire sur AEF), AEF publie chaque jour depuis le vendredi 21 novembre 2014 l’interview des responsables des fédérations représentatives de la fonction publique (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FA-FP pour la territoriale, FSU, FO, Unsa et Solidaires). Aujourd’hui, Brigitte Jumel, secrétaire générale de l’Uffa-CFDT, deuxième organisation sur les trois versants avec 19,1 % des voix, derrière la CGT (25,4 %) et devant FO (18,1 %). À l’État, la CFDT est 4e avec 14,6 % des voix derrière FO (16,6 %), la FSU et la CGT (15,8 %).

AEF : Comment abordez-vous ces élections ?

Brigitte Jumel - AEF 241114 dim 87-130
Brigitte Jumel : Globalement, l’ensemble de la CFDT a fait preuve d’un engagement très fort tant dans ses structures fédérales que dans ses structures régionales. Nous avons commencé la campagne il y a presque un an avec cet engagement très global tout en prenant en compte le fait qu’il s’agit d’un scrutin de proximité, les agents votant pour leurs représentants au plan local. Nous avons donc toujours articulé notre campagne autour de ces deux aspects en faisant de la confédération un appui aux syndicats locaux.

D’une manière générale, l’Uffa se retrouve bien dans le schéma actuel puisque depuis la loi de 2010, issue des accords de Bercy de 2008, les organisations syndicales ont convenu que la représentativité se mesurait sur les comités techniques, donc sur le vote de l’ensemble des agents et sur les questions du collectif du travail, et non pas en fonction d’une logique individuelle. Cela permet d’aborder des questions importantes comme les conditions de travail.

Derrière la représentativité, nous portons la question de la négociation locale et de la place de l’accord dans le dialogue social dans la fonction publique. Nous avons travaillé dans ce sens : quel appui pouvons-nous apporter à nos syndicats locaux pour leur permettre à la fois de faire état de ce qu’ils avaient fait pendant la séquence électorale précédente et pouvoir profiter de ce que porte la CFDT en général par rapport aux problématiques de pouvoir d’achat, de conditions de travail, de sécurisation des parcours professionnels.
Nous sommes aujourd’hui plutôt satisfaits de l’engagement général de l’organisation et du fait que nous avons pu déposer plus de listes qu’en 2008 pour la fonction publique territoriale et qu’en 2011 pour le reste de la fonction publique. Il y a eu un vrai travail tant sur les listes qu’en matière de communication, y compris sur les réseaux sociaux, et avec des communications fortes de la part secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

AEF : Quels sont pour vous les principaux enjeux de ce scrutin ?

Brigitte Jumel : Il y a tout d’abord l’enjeu de la représentativité. Que signifie un syndicalisme tel que celui que nous portons dans la Fonction publique ? Nous sommes aujourd’hui la deuxième organisation. Or cela n’est pas très connu ou pas tout à fait intégré. Nous entendons non seulement le rester mais aussi progresser tout au moins en nombre de voix. Là est le premier enjeu.

Le deuxième enjeu consiste à savoir comment utiliser notre représentativité. Pour nous, l’important est de développer au plus près des agents un dialogue social qui les concerne directement et dont ils voient les bénéfices immédiats. Nous n’avons pas de regrets sur les accords que nous avons pu signer depuis 2008, soit cinq accords (y compris ceux de Bercy) de portée nationale et de qualité concernant la santé au travail, la sécurisation des parcours des agents contractuels, les RPS, et l’égalité femmes-hommes.
Maintenant, il reste à faire en sorte que ces accords signés au niveau national trouvent un écho au niveau local et que la négociation que l’on a portée au niveau national trouve son pendant au niveau local. En d’autres termes, comment, par-delà notre responsabilité, allons-nous pouvoir porter un dialogue social local. Enfin, comme pour toutes les élections, il y a également l’enjeu des moyens du syndicalisme, mais qui n’est pas une fin en soi.

AEF : Le fait que les agents des trois Fonctions publiques votent ensemble pour la première fois va-t-il selon vous favoriser la mobilisation ?

Brigitte Jumel : Le risque d’abstention se voit dans les élections politiques mais aussi dans les trois versants de la Fonction publique. D’après les courbes que nous avons, il y a une tendance à la baisse générale des taux de participation. Toutefois, cela dissimule de grandes disparités : Bercy vote à 90 % alors que l’enseignement supérieur ne vote qu’à 30 %. Et pourtant, ce secteur a voté en 2010 de façon classique, sans que le vote électronique ne puisse être mis est en cause. Lutter contre cette baisse de participation correspond à notre dernière phase de campagne : il faut dire aux agents qu’ils doivent aller voter et que ce vote les concerne au quotidien. Il y a les CAP : cela a du sens sur la gestion individuelle de leur carrière. Il y a les CT : cela a du sens sur leur quotidien. Il y a les CHSCT : cela a du sens sur leurs conditions de travail et l’organisation du travail ; ce qui est nouveau puisque la mise en place des CHSCT découle des accords de 2009 et n’est pas encore concrétisée dans la fonction publique territoriale.

Nous sommes conscients de cette situation. Le fait que les trois fonctions publiques votent ensemble pour la première fois peut être une accroche de communication et peut créer une émulation. En ce qui nous concerne, cela nous a apporté la possibilité d’avoir une campagne à deux niveaux : nationale avec la confédération et l’Uffa, sur des thèmes de campagne communs ; locale, avec l’appui que nous pouvons apporter à nos équipes sur le terrain. La question est de savoir comment adapter et articuler les deux.
Toutefois, globalement, nous constatons une forme de désintérêt, lié à une période de crise ou finalement plus rien ne veut rien dire. En filigrane, se pose aussi la question des pratiques syndicales. Demander aux agents de voter, c’est leur demande de voter pour quelque chose dont ils voient les effets.

AEF : Selon vous, le rôle des OS dans la Fonction publique doit-il évoluer ?

Brigitte Jumel : Il y aurait tout d’abord une grosse erreur qui consisterait à dire que l’on ne peut rien faire dans la Fonction publique ou qu’il n’y a pas de dialogue social. Il y a du dialogue social. Non seulement au niveau national comme en témoignent les accords de Bercy que nous avons signés mais aussi au niveau local.
Il est vrai cependant que les négociations et les accords locaux, à l’État, à la territoriale, à l’hospitalière, sont moins connus, moins popularisés. Un accord sur le télétravail signé à Bercy, cela a pourtant du sens quand une partie des agents travaillant dans cette administration centrale habite en grande banlieue. Il en va de même pour des accords signés sur les conditions de travail dans la territoriale où beaucoup de femmes travaillent avec de fortes amplitudes horaires, ou pour des accords conclus dans l’hospitalière sur les reclassements des personnels accidentés du travail par exemple. Nous devons parler de ces avancées et nous ne l’avons peut-être pas fait suffisamment. Le sujet pour nous aujourd’hui est de mieux mettre en valeur toutes ces questions d’accords.

AEF : Le contexte actuel de contraintes budgétaires (gel du point…) et de réformes (territoriale, État, avenir de la Fonction publique) va-t-il influencer les votes ?

Brigitte Jumel : Les personnels vivent au quotidien dans leur lieu de travail et tout le monde n’est pas concerné de la même façon par la réforme de l’État ou la réforme territoriale. Ce qu’ils vivent, c’est leur quotidien, leur réalité. Le gel de la valeur du point, c’est la réalité de tout le monde, bien sûr. Mais en même temps, il n’y a pas que les questions de pouvoir d’achat. Il y a aussi les questions de conditions de travail, d’organisation du travail, l’égalité entre les femmes et les hommes, les questions de la diversité qui se déclinent au quotidien dans une période de surcroît peu brillante pour la Fonction publique.
Dans ce contexte, ces élections vont nous donner également l’occasion de mesurer – et nous en tireront les leçons – l’efficacité du travail réalisé par les organisations syndicales, la CFDT en particulier, sur le terrain. Là où nous sommes moins présents, ce sera plus compliqué.

Plus largement, l’air du temps n’est pas favorable à la fonction publique, comme en témoignent les récentes expressions libres à ce sujet, très redondantes sur la fonction publique. Nous avons de fait une différence très nette de tonalité entre l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement en mai 2012, qui a mis alors en avant l’idée de redonner de la fierté aux fonctionnaires et les discours tenus aujourd’hui. L’argument du déficit budgétaire se traduit tout de même un peu souvent par une mise en cause de la fonction publique et du statut. Le statut est une chose avec ses logiques et ses cohérences auxquelles nous tenons beaucoup. Mais je ne suis pas persuadée que si le statut était différent, cela changerait radicalement le fond des choses.

À cela s’ajoutent toutes les réflexions en cours au secrétariat d’État à la Réforme de l’État, au SGMAP, à France Stratégie, sur les services publics qui ne sont pas de nature à rassurer. Tout le monde veut du service public mais tout le monde le veut avec moins de moyens, moins de besoins, moins de qualifications, moins de compétences. Cela va devenir un peu compliqué ! Et dans le même temps, on voit bien que la population est attachée au service public. Personne ne veut renoncer ni à une école de qualité ni à des soins de qualité… Ce qui est plus grave pour nous, c’est le "service public bashing", alors que les agents, eux, ont surtout envie de rendre le service public.

Par conséquent, au-delà des questions de déficit budgétaire et de statut, la question est plutôt de savoir quel rôle et quelle place tient la puissance publique par rapport aux citoyens.

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