Aide et soins à domicile : un secteur sinistré

 
 
 
 
 
"C'est un secteur en pleine croissance, mais encore peu investi dans des démarches de prévention", fait remarquer Bernard Senault, de la Carsat Languedoc-Roussillon et coordinateur de la mission nationale de prévention des risques dans les métiers de l'aide et du soin à domicile en ouverture d'une conférence sur le sujet lors du dernier salon Aid'ô soins, à Montpellier. "Le secteur a fait l'objet d'une politique très volontariste, avec les Plans de cohésion sociale, dits Plans Borloo, 1 et 2, développe-t-il. Après cette intervention de l'État, le secteur a enregistré une croissance de +11 % d'emplois par an, contre 5,5 % avant. Le premier plan Borloo avait un objectif quantitatif — c'est-à-dire la création d'emplois — alors que le second veut développer la qualité. Mais malgré cela, c'est pour l'instant un secteur à la sinistralité préoccupante." Les pouvoirs publics voient dans les services à domicile une synthèse possible entre un gisement d'emploi conséquent et une réponse aux besoins croissants de la société face à la dépendance et au handicap, mais il y a encore beaucoup à faire pour la prévention des risques professionnels dans ce secteur.

Une sursinistralité de 35 %

L'indice de fréquence des accidents du travail (soit le nombre d'accidents du travail en 1er règlement pour 1 000 salariés) était en 2008 de 47,8 dans le secteur des services de l'aide et du soin à domicile (Sasad) alors qu'il était de 38 tous secteurs d'activités confondus en France, selon une étude de la Caisse nationale d'Assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Le taux de gravité des incapacités temporaires (c'est-à-dire le nombre de journées d'incapacité temporaire pour 1 000 heures de travail) est tout aussi inquiétant : il est de 1,76 dans le secteur Sasad, contre 1,31 en moyenne en France, ce qui permet de pointer une sursinistralité de 35 %. En 2008, les accidents du travail avec un arrêt indemnisé (29 053) étaient en augmentation de 9,4 % par rapport à 2006. Les chutes de plain-pied représentent environ un tiers des accidents, les troubles musculo-squelettiques et autres lombalgies liés aux manutentions de charges lourdes et transferts de personnes comptent pour un autre tiers, devant les accidents de trajet.

Inexpérience et usure : deux facteurs de risques

"La sinistralité est d'autant plus préoccupante qu'elle est particulièrement liée à deux éléments : les nouveaux embauchés dont l'inexpérience est pour le secteur de l'aide et du soin à domicile un facteur de risque important, et l'usure professionnelle de ceux qui ont plus d'ancienneté", s'inquiète Bernard Senault, en insistant aussi sur la "fréquence mal appréciée mais bien réelle des risques psychosociaux" (RPS). Dans ce domaine d'activité aux contraintes particulières, où le salarié travaille de façon isolée, tous les facteurs de RPS sont en effet réunis : un faible niveau de rémunération (le salaire moyen serait actuellement de 832 €, selon les chiffres donnés par Bernard Senault) et une image peu valorisée, un temps de travail émietté avec des temps partiels plus ou moins subis, une charge affective très importante qui va de pair avec la confrontation à des maladies chroniques lourdes et à la fin de vie.

Qui est l'employeur ? Le sait-il ?

Les aides à domicile doivent de plus faire face à une problématique particulière : qui est le véritable donneur d'ordre ? Le bénéficiaire, l'entreprise ou association prestataire, la famille du bénéficiaire ?… Ce sentiment d'injonctions paradoxales peut être une importante source d'anxiété. Il existe trois modes d'interventions à domicile : le mode prestataire lorsque le bénéficiaire est client d'une association ou d'une entreprise à laquelle il "achète" une prestation, l'emploi direct lorsque le bénéficiaire est l'employeur du salarié, et le mode mandataire lorsque le bénéficiaire est l'employeur mais qu'il recourt à un organisme mandataire pour la gestion administrative. Une exception d'autant plus compliquée à gérer que la personne aidée n'a pas toujours conscience de cette qualité juridique d'employeur, avec les responsabilités liées. La situation est juridiquement bancale : le lieu de travail est un domicile privé et le médecin du travail n'a donc pas le droit d'y accéder, l'interdiction de fumer ne s'y applique pas, etc. Pourtant, comme tout employeur, le bénéficiaire peut voir sa responsabilité pénale et civile engagée en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

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