Lettre ouverte au Premier ministre du 19 novembre 2009

ANDEVA, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FNATH, FNE - Projet de fusion des agences de sécurité sanitaire Afssa - Afsset

Lettre ouverte au premier ministre


Objet: Projet de fusion des agences de sécurité sanitaire Afssa – Afsset

Monsieur le Premier ministre,

Les organisations soussignées, représentées au conseil d'administration de l'agence de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), ont émis de sérieuses réserves à la fusion de l'Afsset et de l'Afssa décidée dans la précipitation par un amendement à la loi HPST, car il nous semblait que les inconvénients de cette opération seraient nettement supérieurs aux bénéfices que l’on pouvait en attendre. Néanmoins, nous avons participé activement aux groupes de travail mis en place pour préfigurer le futur établissement public.

Le projet de nouvelle agence tel qu'il apparaît dans l'avant-projet d'ordonnance et le rapport de restitution présentés par le directeur général de l’Afssa, Monsieur Marc Mortureux, et Monsieur le Conseiller d’Etat Thierry Tuot lors de la réunion de concertation du 9 novembre confirme nos craintes. La fusion apparaît désormais clairement comme une régression majeure tant au plan des principes, qu'à celui du fonctionnement:
- les principes fondamentaux qui doivent présider à la constitution d’une agence de sécurité sanitaire chargée d’évaluer les risques et de conseiller les autorités publiques dans leur mission de gestion de ces risques, l'indépendance et la séparation entre évaluation des risques et gestion des risques, ne sont nullement respectés;
- le regroupement en une seule agence, sans véritable cohérence scientifique, de l’ensemble de la sécurité sanitaire de l’environnement, du travail et de l’alimentation, se transforme en pratique en un dispositif aspécifique qui ne sera pas à même de remplir ses missions.

Nous considérons que, si le projet de fusion devait être maintenu, les conditions suivantes devraient impérativement être satisfaites.

1. L'indépendance de l'agence tant vis à vis des producteurs de risques que des gestionnaires de ces risques.

Cette exigence évidente doit se traduire tant au niveau du conseil d'administration que de la direction de l'agence.

- Il n'est pas acceptable que les ministères de tutelle disposent de la majorité au conseil d'administration, rendant assez vaines les délibérations de ce conseil. Rappelons que le gouvernement nomme déjà le président et le directeur, qu'il décide du budget et qu'il dispose de la possibilité de s'opposer à toute délibération du conseil d'administration.La création du futur établissement doit être l’occasion de mettre en oeuvre le principe d’une gouvernance à cinq collèges, dans l'esprit du « Grenelle de l’environnement », avec un nombre de voix également réparti entre ces collèges:
• des représentants de l'État,
• des représentants des associations compétentes en matière de protection de l'environnement, de la santé, de défense des consommateurs et des victimes du travail;
• des représentants des organisations professionnelles et des organisations d'employeurs;
• des représentants des organisations syndicales de salariés
• des représentants élus.
Bien évidemment, il convient d'ajouter à ces cinq collèges des représentants des personnels de l'agence. En revanche, si des personnes qualifiées devaient être membres du conseil d’administration elles ne pourraient, s’exprimant intuitu personae, disposer que d’une voix consultative

- Des dispositions doivent figurer dans l'ordonnance garantissant l'indépendance des personnes exerçant des fonctions de direction dans l'agence à l'égard notamment des tutelles. Les échanges de dirigeants entre ministères de tutelle et agence de sécurité sanitaire remettent en cause à la fois l'indépendance de l'agence et l'étanchéité indispensable entre les missions d’évaluation des risques et les tâches de gestion. Dès lors que des personnes ont exercé des fonctions de direction dans une administration de tutelle ou ont eu à connaître du dossier de l'agence dans le cadre d'un cabinet ministériel de tutelle, ils ne devraient pouvoir exercer une fonction dans l'agence pendant une durée de trois ans, à l'image de ce que la loi du 29 janvier 1993, relative à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, a prévu pour les passages entre l'administration et les entreprises.

2. La séparation stricte entre l'évaluation / expertise des risques et la gestion des risques.

Il est prévu dans le projet d'ordonnance que la nouvelle agence reprenne l’ensemble des missions des deux agences et donc des activités de gestion de l’Afssa dénommées « Santé animale » et « Agence nationale du médicament vétérinaire ». Cette disposition qui contrevient au principe intangible de séparation entre l’évaluation et la gestion des risques doit impérativement être abandonnée, comme l'ont souligné de nombreux participants à la réunion du 9 novembre.

Dans la même logique, il convient également de garantir l’indépendance des réseaux d’évaluation des expositions et des risques coordonnés par la future agence. Ce n’est pas le cas actuellement et la création d’un nouvel établissement doit être l’occasion de corriger cette anomalie. Ainsi, au sein de l’Afsset, si l’on peut se féliciter que le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) répond bien à cette exigence, en revanche, l’Observatoire des résidus de pesticides, voit son fonctionnement et son indépendance régulièrement entravés par le ministère de l’Agriculture au sein du comité de pilotage auxquels participent plusieurs administrations centrales chargés de la gestion des risques. Nous demandons que ceci soit corrigé, que les activités de gestion soient sorties de la future agence et que l’indépendance des activités scientifiques de coordination de réseaux d’expertise et d’évaluation soit garantie.

3. Organisation de l'agence en pôles cohérents disposant d'une autonomie décisionnelle, financière et scientifique.

Le regroupement en une seule agence de questions de sécurité sanitaires relevant de problématiques et de méthodes scientifiques aussi diverses que les risques psycho-sociaux et l'alimentation pose de nombreux problèmes. Le choix retenu d'avoir un conseil d’administration et un conseil scientifique uniques ne permettra pas à l'agence de remplir sa mission d'évaluation des risques dans tous ses domaines d'intervention avec la compétence et la transparence requises pour en assurer la crédibilité. Le comité de pilotage a lui-même pris conscience du problème, mais les pistes qu'il propose dans le rapport de restitution pour en tenir compte sans remettre en cause le dogme de l'agence unique, se traduisent par un enchevêtrement de commissions (comités d’orientation placés auprès du Conseil d’administration, commissions thématiques du conseil scientifique, etc.) et ne sont tout simplement pas viables. La seule solution, dès lors que le principe d’une agence unique est maintenu, est de l'organiser en pôles clairement identifiés et disposant d'une autonomie décisionnelle, financière et scientifique au travers de commissions du conseil d’administration disposant des délégations nécessaires et de comités scientifiques spécifiques.

Déjà à l'intérieur de l'Afsset, le problème existait à une plus petite échelle: s’il y avait bien une logique scientifique à traiter ensemble les thèmes de l’environnement et du travail, cela a contribué à limiter le champ d’intervention de l’agence aux seules expositions physicochimiques. Or, l’évolution des modes d’organisation du travail au sein des entreprises a fait émerger des risques organisationnels, comme les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux, pour lesquels la santé publique a aussi besoin d’une expertise indépendante.

Les signataires représentant les associations de défense de l’environnement, de la santé, des consommateurs et des victimes du travail et les organisations syndicales représentatives au plan national engagent leur crédibilité en participant à la gouvernance d’un dispositif qui a vocation à assurer la sécurité sanitaire de la population. Elles doivent être convaincues que celui-ci offre toutes les garanties pour remplir à bien cette mission.
Elles considèrent qu’en l’état le texte proposé n’apporte pas ces garanties et vous demandent donc, Monsieur le premier ministre, d'apporter les corrections nécessaires au dispositif prévu. Nous nous tenons à votre disposition pour vous apporter tout éclaircissement que jugeriez utile.

Dans cette attente, nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre considération.

ANDEVA, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FNATH, FNE

Copies:
Ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer
Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville
Ministre de la Santé et des Sports
Ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche
Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi
Directeur de l'Afsset
Directeur de l'Afssa
Président du comité de pilotage

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