retraites


Alors que se déroule cette semaine, le 47e congrès de la CFDT, son secrétaire général, François Chérèque, se dit clairement opposé au projet du gouvernement sur les retraites. Une position qui tranche avec celle de 2003, année où l’organisation avait approuvé la réforme Fillon, provoquant le départ de nombreux militants.

Face au déficit des régimes de retraites, le gouvernement veut repousser l’âge légal de départ. Pourquoi vous opposez-vous à cette mesure, qui permet de dégager le plus de moyens ?

Le gouvernement part du principe que le déficit est dû à un problème démographique. Il propose donc une réponse démographique. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est que la moitié du trou des dix prochaines années est liée à la crise. Faire du report de l’âge légal la mesure centrale de la réforme, c’est faire payer la crise aux salariés, tout en accentuant les inégalités existantes. Repousser l’âge légal, c’est reporter l’effort sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes, qui sont souvent ceux qui ont déjà des emplois pénibles, mais aussi sur ceux qui ont des carrières incomplètes, c’est-à-dire le plus souvent des femmes.

Selon le gouvernement, c’est au contraire l’allongement de la durée de cotisation qui serait le plus pénalisant pour les carrières incomplètes…

C’est faux. Car il n’y a pas que l’âge légal de départ à 60 ans qui va être repoussé. L’autre borne, celle des 65 ans, qui permet de prendre sa retraite sans décote même si l’on n’a pas tous ses trimestres, va elle aussi être modifiée. Ce qui signifie que les précaires, qui ont des carrières incomplètes et qui attendaient 65 ans pour partir, vont devoir patienter jusqu’à 67 ou 68 ans. Ou liquider leur retraite avec une forte décote, et donc toucher une pension amputée…

Reste que la France est le pays d’Europe où l’âge légal est le plus bas…

Le matraquage auquel se livre le gouvernement sur l’âge légal, qui serait partout en Europe supérieur à celui de la France, relève de la mauvaise foi. Il se garde bien de préciser, par exemple, que l’Allemagne a certes un âge légal de départ à 63 ans, mais aussi une durée de cotisation de trente-cinq ans seulement, contre plus de quarante ans chez nous. En Belgique, où l’âge légal est à 65 ans et la durée de cotisation de quarante-cinq ans, le gouvernement a été contraint d’accepter des départs massifs en retraite anticipée, tant ces bornes étaient impossibles à atteindre. La France, elle, a choisi d’agir sur les deux paramètres [l’âge légal et la durée de cotisation, ndlr], tout en restreignant les départs anticipés.

Travailler plus longtemps, n’est-ce pas aussi la contrepartie logique du vivre plus longtemps ?

Nous sommes d’accord. Dans le cadre de la réforme de 2003, la CFDT avait d’ailleurs accepté un allongement de la durée de cotisation basé sur l’allongement de l’espérance de vie. Mais elle avait aussi exigé une réduction des inégalités, concrétisée par la convergence des règles entre le public et le privé, la création d’un dispositif dérogatoire pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt et l’instauration d’un plancher pour le minimum contributif - 85% du smic. Cette fois-ci, on est dans une logique purement financière, où l’allongement de la durée d’activité est essentiellement basé sur le report de l’âge légal. Ce qui va bien sûr contribuer à renforcer les inégalités.

Pour les neutraliser, le projet devrait comporter un volet «pénibilité»…

Le gouvernement s’oriente vers un système où la possibilité de partir plus tôt sera conditionnée à une visite médicale. Le problème, c’est que de nombreuses atteintes à l’espérance de vie liée à la pénibilité ne sont pas détectables lors d’une telle visite. Beaucoup de cancers professionnels, par exemple, se déclenchent plus tard. Cette approche est d’autant plus inadmissible que le gouvernement a toutes les cartes en main sur ce dossier. La négociation avec le patronat, même si elle a échoué, a permis d’établir une liste de situations qui portent atteinte à l’espérance de vie, comme les horaires atypiques, le port de charges lourdes ou le contact avec des produits cancérogènes. Des expositions qui conduisent à une réduction de trois à quatre ans l’espérance de vie des salariés concernés. Nous demandons donc à ce que tous ces salariés puissent bénéficier d’un départ anticipé d’un an par tranche de dix ans d’exposition. Ce qui représenterait près de 150 000 salariés par an pour un coût d’un milliard d’euros à la charge des entreprises. Une somme qui n’est pas excessive, quand on sait que les employeurs sont responsables de la santé de leurs salariés.

Resteraient les carrières longues, que le pouvoir s’est engagé à pérenniser…

Ce dispositif, qui permet aux salariés qui ont commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans de partir avant 60 ans, a été considérablement réduit l’an dernier, le nombre de ses bénéficiaires ayant été divisé par trois. Le problème, c’est qu’il devrait l’être encore un peu plus avec la réforme. C’est inacceptable.

C’était aussi une contrepartie obtenue en 2003 par la CFDT en échange de son soutien à la réforme Fillon. Vous avez le sentiment d’avoir été grugés ?

Je ne pense pas que les 600 000 salariés qui ont commencé à travailler très tôt et qui ont pu partir avant 60 ans depuis 2003 ont le sentiment de s’être fait avoir. Même chose pour les 40% de retraités qui ont vu leur pension maintenue à 85% du Smic. Il est vrai, par contre, que le rabotage du dispositif des carrières longues ou la remise en cause des départs anticipés pour les infirmières n’est pas de nature à nous rassurer sur les intentions de l’exécutif. Je dirais même qu’il y a une vraie perte de confiance dans le gouvernement.

Le problème, c’est que les salariés, s’ils vous soutiennent dans les sondages, ne vous suivent pas dans la rue…

Les conséquences concrètes de la réforme sur leur situation ne sont pas encore connues. Les gens ne réalisent pas vraiment. Mais quand on sera parvenu à leur expliquer ce qui les attend, la prise de conscience, je l’espère, sera un peu différente. Force aussi est de reconnaître qu’il y a une certaine forme de fatalisme face à la crise.

Quelle est l’alternative au projet du gouvernement ?

Nous proposons à notre congrès de faire évoluer le système afin de réduire concrètement les inégalités, tout en menant en parallèle une réforme de la fiscalité et de la dépendance. Mais l’exécutif a repoussé cette option.

Après huit ans à la tête de la CFDT, vous vous apprêtez à entamer votre troisième mandat. L’un de vos objectifs, celui d’atteindre 1,2 million d’adhérents, est loin d’avoir été atteint. C’est un échec ?

C’est clair que notre objectif en termes d’adhésions n’a pas été atteint. Mais surtout en raison du papy-boom, qui provoque de nombreux départs chaque année. En 2009, nous avons eu 8% de nouveaux adhérents en plus [77 000 adhérents supplémentaires], mais le solde final, entre les départs et les arrivées, n’a été que de 2,13%. Quant à la réforme des retraites de 2003, qui nous a effectivement coûté de nombreux départs, la page est tournée. Elle l’a été au dernier congrès, en 2006, où je note que l’activité du syndicat a été approuvée à 78%.

Sept ans après, vous en voulez à ceux qui vous ont reproché d’avoir approuvé la réforme Fillon ?

Je note seulement que le Parti socialiste, qui nous avait violemment attaqués à l’époque, a fini par épouser nos positions. Mieux vaut tard que jamais…

Autre litige avec le gouvernement : la loi d’août 2008, qui prévoyait dans les PME un dispositif de représentation des salariés, et que les députés de droite sont en train de vider de sa substance…

Cette affaire est très grave, à la fois concernant le patronat, mais aussi la majorité. Alors qu’ils ont signé la réforme de la représentativité, le Medef et la CGPME font aujourd’hui machine arrière. Ils manquent totalement à leur parole. Quant aux députés de droite, qui sont en train de torpiller un projet déjà affaibli par le patronat, certains vont jusqu’à dire que refuser une représentation syndicale dans les TPE [très petites entreprises] est un marqueur politique pour la droite. C’est une dérive poujadiste incroyable, avalisée par le chef des députés UMP, Jean-François Copé. Quand on remet en cause le fait qu’un salarié puisse être représenté syndicalement, on remet en cause la démocratie. On assiste à une dérive antisyndicale extrêmement inquiétante de la part de la majorité en place.

source Libération

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