Base de données unique : un coup à jouer pour l’action syndicale
À
cinq semaines de la mise en place de la BDU, prévue par la loi
de sécurisation de l’emploi, dans les entreprises de plus de 300
salariés, toutes les clés pour comprendre, négocier et utiliser au mieux
ce nouvel outil au service de l’action syndicale.
Plus
que cinq semaines avant la mise en place de la BDU : d’ici au 14 juin
2014, les entreprises de plus de 300 salariés devront avoir mis en place
leur base de données économiques et sociales permettant de donner aux
représentants du personnel une vision de la stratégie passée et à venir
de leur entreprise. Celles de 50 à 299 salariés bénéficient d’un délai
supplémentaire d’un an avant sa mise en place.
Qu’est-ce que la base de données unique ?
Cette
base de données est l’un des fruits de l’Ani du 11 janvier 2013 relatif
à la sécurisation de l’emploi. L’objectif ? Permettre aux représentants
du personnel de comprendre la manière dont l’entreprise construit sa
richesse et la répartit ensuite, entre les investissements nécessaires à
son développement (matériel et immatériel, social et humain), ses
salariés, dirigeants, fournisseurs, sous-traitants et actionnaires,
ainsi que ses interactions avec ses filiales ou même les pouvoirs
publics. En clair, elle permet de comprendre la réalité économique et
sociale de l’entreprise afin d’influer sur les décisions plutôt que de
les subir.
Cette
base de données, qui rassemble l’ensemble des informations jusqu’alors
éparpillées dans une multitude de documents (bilan social, rapport de
situation comparée, etc.), sera un point d’appui permanent pour les élus
du comité d’entreprise, membres du CHSCT et délégués syndicaux au cours
des différentes étapes du dialogue social dans l’entreprise – ou les
délégués du personnel dans le cadre d’une DUP (délégation unique du
personnel). Ce faisant, elle peut faciliter le travail de la section
syndicale, dont les différents acteurs ont potentiellement accès aux
mêmes informations, en articulant mieux les phases
d’information-consultation et de négociation.
Comment l’utiliser ?
En
donnant une vision sur les deux années passées, l’année en cours et les
trois années à venir, elle devient le support de la nouvelle
consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise,
également introduite par l’Ani du 11 janvier 2013, pour laquelle les
représentants élus bénéficient d’un nouveau droit à l’expertise. Quels
que soient ses choix envisagés, la direction devra en expliciter « les
conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des
compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à
l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages », précise désormais le code du travail (art. L2323-7-1).
La base de données unique est à l’échelle d’une entreprise ce qu’est l’observatoire des contreparties au pacte de responsabilité
La
BDU constitue donc, de ce point de vue, un outil précieux de mesure de
la mise en œuvre des différents accords nationaux interprofessionnels
négociés depuis la fin de 2012 – contrat de génération, sécurisation de
l’emploi, qualité de vie au travail et égalité professionnelle,
formation professionnelle – qui ne feront sens que lorsqu’ils auront
réellement été mis en œuvre au bénéfice des salariés. « La base de données unique est à l’échelle d’une entreprise ce qu’est l’observatoire des contreparties au pacte de responsabilité »,
explique Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT. À
travers elle, les représentants du personnel pourront directement
vérifier quelle a été la politique d’embauche, de formation et
d’investissement de leur employeur. C’est à partir des informations
contenues dans la BDU que le comité d’entreprise sera consulté sur le
plan de formation de l’entreprise et pourra demander des comptes sur
l’utilisation du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi)
– l’article L.2323-26-1 du code du travail prévoit une
information-consultation annuelle du CE à ce sujet avant le 1er juillet. « Le
CICE est précurseur des mesures prévues par le pacte de responsabilité,
en ce sens que les deux renforcent les engagements entre l’État et les
entreprises (allègements contre “investissements”). La BDU donne aux
militants les moyens de vérifier que les allègements octroyés à
l’entreprise vont bien au renforcement de l’investissement productif et
humain, de la formation, de l’emploi de qualité », poursuit la
secrétaire générale adjointe. La Confédération a d’ailleurs mis en place
un dispositif de suivi et d’accompagnement des équipes afin d’alimenter
les travaux à venir du futur observatoire des contreparties à partir de
ce que vérifieront les élus dans les entreprises (lire l’encadré ci-dessous).
Faut-il négocier son contenu, et comment ?
Reste
que les délais pour s’approprier ce nouvel outil et en faire une clé de
la stratégie de la section syndicale sont serrés. Au-delà du travail
des élus afin de définir les indicateurs qui leur sont nécessaires et se
faire éventuellement aider par un expert pour apprendre à décrypter la
stratégie de l’entreprise, des marges de négociation existent, tant sur
le contenu que sur les modalités d’accès à la BDU (décloisonnement des
informations destinées aux différentes instances représentatives du
personnel, nature des indicateurs, déclinaison au niveau des
établissements, consolidation au niveau du groupe, clause de revoyure,
etc.). « L’important, c’est qu’une base de données soit mise en
place à la date prévue par la loi. La négociation sur son contenu et sur
ses modalités d’accès peut avoir lieu ultérieurement, mais
impérativement avant le 31 décembre 2016, date à laquelle la base de
données se substituera officiellement à tous les rapports aujourd’hui
remis aux IRP », explique Joëlle Delair, secrétaire confédérale
chargée du dialogue social. Dans cette perspective, la Confédération a
développé une gamme d’outils afin que les sections s’approprient la BDU
au mieux et la mettent au service de leur stratégie d’action syndicale.
Reste à passer aux travaux pratiques.
Ani, pacte de responsabilité, CICE : des outils et un dispositif de suivi
La
Confédération a conçu des outils pour aider les équipes à s’approprier
les mesures issues des accords de 2013 et rendre effectifs les droits
nouveaux ainsi obtenus.
• Un Argumentaire et un Mode d’emploi détaillent le contenu et les modalités de la base de données unique, avec un exemple à la clé. Au fur et à mesure, ces documents seront complétés d’exemples d’accords pour aider les délégués syndicaux dans la négociation de la BDU. Une formation d’appropriation est proposée aux syndicats et aux organisations pour les sections syndicales (bdu@cfdt.fr).
• Un Mode d’emploi, « Influencer et suivre l’utilisation du CICE dans l’entreprise »,
précise les droits et possibilités d’action du comité d’entreprise (ou
des délégués du personnel en cas de DUP) et le rôle de la BDU.
• D'autres outils visent à décliner concrètement les Ani de 2012-2013 : « Mettre en œuvre la loi sécurisation de l’emploi », « Négocier le contrat de génération dans l’entreprise », « Négocier un accord qualité de vie au travail et égalité professionnelle », « Négocier le temps partiel dans l’entreprise ».
• Le Kit SPP permet, quant à lui, d’inscrire l’ensemble de ces avancées dans une stratégie d’action syndicale.
Au-delà, la Confédération a mis en place un dispositif d’accompagnement et de suivi des
équipes sur l’utilisation du CICE et la déclinaison dans les
entreprises des engagements pris par le patronat dans le cadre du pacte
de responsabilité. L’objectif est double : aider à déterminer les
indicateurs utiles pour la BDU et les questions à poser à l’employeur ;
renseigner la Confédération sur le respect des engagements pris par le
patronat afin d’en faire un bilan qualitatif lors de la conférence
sociale de juillet (svtds@cfdt.fr).
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