Une organisation peut-elle être harcelante ?

La réponse de Marie Hautefort (*)

La réponse est affirmative et vient d'être donnée par la Cour de cassation le 10 novembre dernier. L'affaire opposait un centre de vacances et l'un de ses agents. Ayant été déclaré inapte à son emploi, ce salarié fut licencié, faute de pouvoir être reclassé à un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail : il faut dire que le médecin avait écrit que l'intéressé « serait apte à un poste sans contact avec son directeur actuel ». L'employeur devait donc choisir entre son tout nouveau dirigeant ou cet employé, et le choix fut fait au détriment de l'agent. Fort de l'avis médical, celui-ci demanda en justice l'annulation de son licenciement au motif que son inaptitude au travail provenait directement du harcèlement moral dont il avait été victime.

Que reprochait-il à son directeur ? Sa méthode de gestion du personnel consistant à lui donner des directives par l'intermédiaire de tableaux, à s'adresser directement au titulaire d'un emploi-jeune placé sous la responsabilité de l'agent, à ne pas communiquer les plannings ou à ne pas les respecter, tous ces comportements aboutissant, aux yeux du salarié, à nier son existence.

Cette situation, caractéristique d'un harcèlement moral, n'aurait rien d'extraordinaire si le salarié n'avait été en mesure de verser au dossier des attestations de collègues prouvant qu'eux aussi étaient en butte à ce type de comportement.

L'employeur, justement pour se défendre, relève ce point : le fait même que le directeur agissait de la même façon avec tout le personnel prouve bien qu'il ne s'acharnait pas de manière perverse contre une personne. Un style managérial ne pouvait, selon lui, être générateur de harcèlement moral.

Evaluation des risques

Erreur, lui répond clairement la Cour de cassation, et peu importe que la majorité des salariés supportent parfaitement les procédés de ce directeur : « Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique, dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ...»

Cela fait longtemps qu'on attendait cette prise de position. Les travaux des médecins et des psychologues, entre autres ceux d'Yves Dejours et de Marie Pezé, ont mis en lumière le fait que certaines pathologies trouvent leur source dans les modes d'organisation du travail. Les récents événements chez Renault ou à France Télécom confortent cette analyse.

Ce constat scientifique a pour conséquence de modifier le travail d'évaluation des risques : autant il est impossible de prévoir à l'avance l'attitude perverse d'un individu, autant il est possible d'examiner les organisations et méthodes de travail dans les entreprises pour y déceler les germes éventuels de souffrance au travail.

Les Echos




(*) Editions Lamy.

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